L’activité sexuelle des Français traverse une période de recul notable. En d’autres termes, on baise moins en France ! Alors que le faible taux de natalité est souvent un sujet débattu, la baisse de la fréquence des rapports sexuels semble être malheureusement passée sous le radar. Pourtant, cette tendance soulève des questions qui dépassent de loin la fertilité en mettant en cause aussi bien la santé et le bien-être des couples dans l’Hexagone.
Le constat : la récession sexuelle est en marche
Depuis plusieurs décennies, les comportements sexuels des Français évoluent, et les études successives révèlent une tendance inquiétante : la récession sexuelle. Ce phénomène, qui désigne la baisse progressive de la fréquence des rapports sexuels, s’impose comme une réalité de plus en plus marquée. Comparer plusieurs études permet de dresser un portrait clair de cette évolution.
L’enquête sur la sexualité en France (2006) : le début d’un recul
La première alerte est donnée en 2006 avec l’enquête sur la sexualité en France, menée par l’Institut national d’études démographiques (INED) et l’Inserm. À cette époque, les Français déclaraient avoir en moyenne huit rapports sexuels par mois, un chiffre déjà en déclin par rapport aux décennies précédentes. Cette étude montrait un changement de paradigme dans la vie sexuelle des Français, marqué par une réduction de la fréquence des rapports, notamment chez les personnes les plus âgées. Ce déclin, encore modéré à l’époque, signalait une évolution culturelle et sociétale qui allait se confirmer.
Le rapport Ifop pour Le Journal du Dimanche (2019) : l’accélération
Treize ans plus tard, en 2019, un rapport Ifop pour Le Journal du Dimanche confirmait cette tendance à la baisse. Selon cette enquête, seulement 53 % des Français avaient des rapports sexuels au moins une fois par semaine, une baisse notable par rapport à l’enquête de 2006. Plus préoccupant encore, 15 % des répondants déclaraient n’avoir eu aucun rapport sexuel au cours de l’année précédente, un chiffre qui démontre une réduction significative de l’activité sexuelle, même parmi les jeunes adultes. Ce rapport soulignait aussi une fracture générationnelle : les jeunes, pourtant considérés comme plus actifs sexuellement, faisaient état d’une vie sexuelle plus sporadique, souvent entravée par la pression des réseaux sociaux, les nouvelles normes relationnelles et les attentes irréalistes en matière d’intimité.
L’étude Discurv pour Xlovecam (2024) : un phénomène qui prend de l’ampleur
Enfin, l’étude Discurv pour Xlovecam (site de sexcam qui est un type de contenu pour adulte en plein boom), publiée en Août 2024, met en lumière une continuité dans cette récession sexuelle. Bien que 40 % des Français déclarent avoir des rapports sexuels au moins une fois par semaine, cela signifie qu’une majorité de 60 % n’a pas cette régularité. Plus préoccupant, une part non négligeable de la population admet avoir des relations peu fréquentes, voire inexistantes. Ce phénomène touche particulièrement les plus âgés et les célibataires, mais s’étend également aux couples, avec une baisse marquée de l’activité sexuelle au fil des années. La technologie, les réseaux sociaux et les pressions liées aux nouvelles formes de communication sont la aussi pointés du doigt comme des facteurs contribuant à la diminution des interactions sexuelles réelles.
Cette dernière étude révèle aussi que la masturbation est en hausse : 35 % des Français se masturbent régulièrement, contre 8 % qui le font quotidiennement. Ce chiffre, relativement bas, illustre un paradoxe : le désir sexuel persiste, mais il ne se traduit pas par des rapports en couple.
Un phénomène structurel
La comparaison entre ces trois études, sur près de deux décennies, montre une accélération progressive de la récession sexuelle en France. Ce phénomène, loin d’être un simple effet générationnel, semble s’ancrer durablement dans la société française, impactant toutes les catégories d’âge et de statut relationnel. Si les plus jeunes sont souvent perçus comme plus ouverts aux nouvelles pratiques, ils ne sont pas épargnés par cette tendance de fond, avec une vie sexuelle plus irrégulière et des rapports moins fréquents.
Ainsi, la récession sexuelle des Français et Françaises, bien documentée par ces différentes enquêtes, est malheureusement bel et bien en marche. Elle s’inscrit dans un contexte où les modes de vie, les attentes sociétales, et l’omniprésence de la technologie semblent remodeler l’intimité et les relations humaines.
Les différences hommes-femmes en matière de libido
Une satisfaction contrastée
Si les Français sont globalement satisfaits de leur vie sexuelle malgré la récession sexuelle que nous venons d’aborder, des disparités importantes persistent entre hommes et femmes.
L’étude Discurv 2024 révèle que 69 % des hommes considèrent que la sexualité occupe une place essentielle dans leur vie, contre seulement 51 % des femmes. Cet écart souligne une différence dans la perception du rôle de la sexualité au sein des relations. Ce contraste peut être attribué à plusieurs facteurs : d’une part, les attentes sociales et culturelles placées sur les femmes en termes de normes sexuelles et de comportement, et d’autre part, la charge mentale et les responsabilités familiales et professionnelles qui pèsent davantage sur elles, réduisant leur disponibilité émotionnelle et physique pour des activités sexuelles régulières.
L’enquête Ifop de 2019 avait déjà pointé cette différence, en notant que 74 % des hommes jugeaient leur libido supérieure à celle de leur partenaire féminine. En 2006, l’étude de l’INED montrait également des disparités, mais celles-ci se sont accentuées au fil des ans, notamment avec la montée en puissance de la double journée (travail et tâches ménagères) pour les femmes.
Évolution de l’intérêt pour le sexe
Au-delà de ces différences de libido, l’intérêt global pour le sexe a diminué chez les deux sexes, mais la baisse est plus marquée chez les femmes. L’étude de Discurv 2024 montre qu’une proportion croissante de femmes accorde aujourd’hui moins d’importance à la sexualité comparé à il y a trente ans. Cette tendance s’observe particulièrement chez les femmes de plus de 50 ans, où l’activité sexuelle devient moins centrale, souvent au profit de la réalisation personnelle ou professionnelle.
Selon l’enquête INED de 2006, les femmes étaient déjà moins enclines à accorder une place centrale à la sexualité dans leur vie quotidienne par rapport aux hommes, mais cette différence s’est accrue. En 2019, l’Ifop notait que 53 % des femmes âgées de 35 à 49 ans faisaient état d’une baisse de leur désir sexuel, contre seulement 36 % des hommes de la même tranche d’âge.
Cet écart reflète une redéfinition des priorités individuelles, avec des femmes qui valorisent de plus en plus l’épanouissement personnel, les aspirations professionnelles et l’équilibre familial au détriment de la sexualité. Ce phénomène est renforcé par l’allongement de la durée de vie et le changement des dynamiques familiales, qui redistribuent le poids des responsabilités au sein du couple.
Les origines de cette récession sexuelle
Plusieurs facteurs contribuent à la récession sexuelle en France, depuis l’omniprésence des technologies dans nos vies jusqu’à l’évolution des normes sociales et le poids de la routine quotidienne. Ensemble, ils redéfinissent la manière dont les Français vivent leur sexualité et participent à une baisse progressive des rapports intimes.
Les écrans et leur rôle prépondérant
Il ne fait aucun doute que les écrans occupent une place centrale dans nos vies modernes. Selon l’étude Discurv 2024, l’omniprésence des smartphones, tablettes et ordinateurs contribue fortement à la diminution de l’activité sexuelle des Français. Les couples passent de plus en plus de temps absorbés par leurs appareils, que ce soit pour travailler, se divertir ou socialiser en ligne, au détriment de moments d’intimité partagés. Les distractions numériques fragmentent la vie de couple, réduisant la disponibilité émotionnelle et physique pour les échanges intimes.
La situation a été exacerbée par la pandémie de COVID-19. Le télétravail et les confinements successifs ont intensifié la dépendance aux appareils numériques. En passant plus de temps en ligne, les Français ont eu moins d’interactions physiques, et cela a affecté directement les relations amoureuses et sexuelles. La frontière entre le travail et la vie personnelle s’est estompée, et avec elle, les opportunités de vivre des moments de complicité ont diminué. Les écrans, bien que facilitateurs d’informations et de connexions virtuelles, ont ainsi contribué à éroder la fréquence des rapports sexuels au sein des couples.
Le métro-boulot-dodo : une routine qui tue le désir
La fameuse routine « métro-boulot-dodo » est un autre facteur clé dans la récession sexuelle en France. Le rythme effréné de la vie moderne, caractérisé par des journées de travail longues, des trajets fatigants et des responsabilités domestiques toujours plus nombreuses, laisse peu de place à la spontanéité et à la séduction. Les couples, souvent épuisés par leurs obligations quotidiennes, n’ont plus l’énergie ni le temps de consacrer à leur vie intime. Le sexe, autrefois un pilier de la relation de couple, devient une activité reléguée à l’arrière-plan, lorsque toutes les autres tâches ont été accomplies.
Le manque de temps et de moments de qualité partagés accentue cette dynamique. Selon l’étude Ifop de 2019, la charge mentale liée aux responsabilités professionnelles et familiales pèse particulièrement sur les femmes, réduisant leur désir et leur disponibilité pour des rapports sexuels réguliers. La monotonie de la vie quotidienne peut étouffer le désir sexuel, laissant place à une relation routinière où l’intimité est sacrifiée au profit des impératifs matériels.
Une actualité pesante et anxiogène
L’actualité mondiale joue également un rôle majeur dans la récession sexuelle des Français. Les crises géopolitiques comme la guerre en Ukraine et les tensions au Moyen-Orient, associées à une inflation galopante et une perte de pouvoir d’achat, créent une pression constante sur les individus. Cette inquiétude quotidienne sur les conditions de vie et l’avenir économique alourdit le fardeau émotionnel et mental des couples, limitant les moments propices à l’intimité.
Par ailleurs, l’inquiétude croissante face au changement climatique et aux bouleversements environnementaux alimente un sentiment de peur vis-à-vis du futur. Les jeunes générations, en particulier, sont plus exposées à ces discours sur l’urgence écologique, qui peuvent engendrer un stress additionnel. L’étude Discurv 2024 montre que ces préoccupations omniprésentes dans l’actualité diminuent l’envie de se consacrer à la vie intime, le sexe devenant secondaire face à ces problèmes existentiels. Dans ce climat d’incertitude et de pessimisme, la récession sexuelle s’installe progressivement, alimentée par l’angoisse et la surcharge cognitive.
Transformations des normes sociales
Le changement des normes sociales a également un impact sur la fréquence des rapports sexuels. Dans une société où la communication autour de la sexualité est plus ouverte que jamais, il existe désormais une liberté d’expression accrue, mais cela s’accompagne parfois d’une pression excessive. L’étude Discurv 2024 souligne que parler de pratiques sexuelles n’est plus un tabou.
Toutefois, cette ouverture peut être intimidante pour certaines personnes, qui ressentent une obligation de performance ou une comparaison constante avec des idéaux souvent irréalistes. La quête d’une sexualité « parfaite » ou conforme à des attentes normées peut conduire à des frustrations et une baisse du désir, notamment lorsque la réalité quotidienne ne correspond pas à ces représentations. Notre dernier article sur les brats en est d’ailleurs une parfaite illustration (peu de personnes pratiquent le BDSM)
Conditionnement médiatique et représentations faussées
Les médias jouent un rôle important dans la formation des attentes autour de la sexualité. Séries télévisées, films, réseaux sociaux : autant de vecteurs qui véhiculent une image idéalisée et souvent irréaliste de la vie sexuelle. Les couples présentés dans les médias semblent toujours dynamiques, passionnés, et exempts des tracas quotidiens qui affectent pourtant la majorité des relations. Cette distorsion entre la réalité et les images médiatiques crée parfois un sentiment d’insatisfaction chez les individus et les couples, qui comparent leur vie sexuelle à ces standards inaccessibles.
Cela est particulièrement vrai pour les jeunes adultes, fortement influencés par les réseaux sociaux, où la validation sociale passe souvent par l’exposition de soi, y compris sur le plan intime. L’étude Discurv 2024 montre que les jeunes générations, bien qu’ayant une approche plus libérale de la sexualité, sont également plus susceptibles de souffrir de cette comparaison constante et des attentes irréalistes qu’elle génère. En conséquence, plutôt que d’améliorer leur vie sexuelle, ces représentations biaisées peuvent parfois accentuer l’angoisse de performance et provoquer une baisse du désir sexuel.
Impact psychologique de la récession sexuelle
Les conséquences psychologiques de cette récession sexuelle sont importantes. Un manque d’activité sexuelle peut entraîner des sentiments de frustration, de dépression et d’insatisfaction générale. La proximité et les relations intimes jouent un rôle crucial dans le bien-être émotionnel et mental des individus.
Avoir une vie sexuelle équilibrée favorise la libération d’endorphines et d’autres hormones du bonheur, contribuant ainsi à réduire le stress et à améliorer l’humeur. L’absence ou la rareté de ces interactions intimes engendre une absence de ces bénéfices hormonaux, impactant négativement le moral des personnes concernées.
Quelles solutions envisager pour sortir de la récession sexuelle ?
Pour inverser cette tendance, il est essentiel de promouvoir une communication ouverte et honnête entre les partenaires. Les discussions autour des attentes et désirs peuvent aider à raviver la flamme de la vie sexuelle. De plus, une gestion équilibrée du temps passé devant les écrans et une augmentation des activités partagées pourraient contribuer à renforcer l’intimité au sein du couple.
Intégrer des moments de connexion sans distractions électroniques et explorer de nouvelles manières de passer du temps ensemble peuvent grandement améliorer la qualité des relations. Enfin, consulter un thérapeute spécialisé peut aussi offrir des pistes personnalisées et des solutions adaptées aux difficultés rencontrées par certains couples.